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Page:Baillon - Le Perce-oreille du Luxembourg, 1928.djvu/150

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V



La mort de Charles m’avait porté un coup dur. Cette impuissance à souffrir n’était-elle pas, sur un autre plan, une façon d’être bourrique ? Bourrique devant la femme, bourrique devant le chagrin : je me rongeais. Du temps passa. La douleur vint. Une semaine de travail et plus de Charles au bout, c’était long. Parce que je ne le verrais plus, j’aurais voulu le voir tous les jours. « Son meilleur ami ». Moi-même, je ne me doutais pas que je l’aimais tant. Il m’avait fallu le perdre. Mes scrupules avaient beau jeu. Une visite à un malade, sait-on jamais le bien qu’elle peut faire ? Quel remords de l’avoir négligé ! Dans nos conversations, avec quel odieux égoïsme, je lui parlais toujours de moi, si rarement de lui ! Et pour combler le tout, l’attitude scandaleuse de ma pensée pendant l’enterrement. Que de péchés contre mon pauvre Charles ! Quand je me trouvais seul, je pleurais maintenant. Je m’y excitais, comme autrefois pen-