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Page:Baillon - Le Perce-oreille du Luxembourg, 1928.djvu/174

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rencontre, je m’étais laissé reprendre, écraser comme un gosse de catéchisme, comme un perce-oreille, comme une bourrique. Dans quels hideux mensonges je m’étais engagé ! Prétendre que j’aimais Mlle Jeanne, une inconnue qui m’ignorait ! Prétendre que je l’avais quittée pour une question de bague ! Avoir commis cette infamie : m’emparer, me parer, du chagrin d’un mort ! Il n’en restait pas moins que dans cette histoire « qui ne tenait pas debout », Dupéché, simplement parce qu’il était du genre costaud, savait ce qu’il eût fait à ma place. Et il ne l’avait pas dit ? Alors qu’eût-il fait ? Qu’eût-il fait ? Plus j’y réfléchissais, plus cela prenait d’importance. Maintenant que je connais la suite, avec quel art il avait préparé son piège !

Je ne lui avais rien dit de mon bureau. Du moins, je ne me le rappelle pas. Le soir, il m’attendit. Cela ne me surprit pas. J’en fus même stupidement ravi.

— Et alors ? demanda-t-il.

Un autre jour, j’eusse détesté cette façon d’accrocher une conversation, quand on ne s’est encore rien dit. Ici, elle signifiait nettement : « Allons ! tu es curieux. Hier, je ne t’ai pas répondu, car tu étais ivre. Aujourd’hui, tu es dispos. Vas-y. » Une seconde, je crus couper court et avouer : « J’ai menti. » C’eût