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Page:Baillon - Le Perce-oreille du Luxembourg, 1928.djvu/261

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gue de danseurs arriva. Son remous m’entraîna. De loin, puis de plus loin, j’entrevoyais Jeanne.

Maman prétend que rien ne serait arrivé si je n’avais pas bu. Elle n’admet pas l’influence de Dupéché. Elle ne peut donc pas me comprendre. J’avais bu certes, mais parce que, visant son but, Dupéché m’y poussait, et je n’avais pas bu au point de… Je me souviens de tout. En quittant la salle j’eus la présence d’esprit de passer au vestiaire. Parmi ces vêtements sans corps, je reconnus le manteau de Jeanne. Je pressentis sa déception tantôt quand elle ne me trouverait pas. J’en eus mal. Mais quelque chose de plus fort me poussait : partir, m’éloigner de là. Pourtant, je l’aimais — comme jamais je ne l’avais aimée.

J’allai sans but. Une rue, deux rues, trois rues ; dans une rue de la lune je n’eusse pas marché autrement. Des bouts d’idées remuaient dans ma tête. Plus exactement, des visages surgissaient, chacun avec son bout d’idée : le pianiste (comme il avait été bête de jouer Lohengrin) ; Jeanne (et ses yeux sur moi) ; Dupéché (et son clin d’œil) ; Tiapa fais dodo, ma danse, ma réponse stupide. Je m’appuyai contre un mur pour mieux réfléchir, rassembler tout cela. Et brusquement, ce qui était déjà clair pour mon instinct, le fut pour ma