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Page:Baillon - Le Perce-oreille du Luxembourg, 1928.djvu/85

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Maman était guérie. Sa bouche dansait encore un peu comme le jour où elle s’acharnait sur le dessous de ses assiettes. J’appris à petits coups, qu’elle avait été en traitement à la Salpêtrière. Je connus ainsi le nom de l’hôpital où j’écris à présent. À la maison, rien de changé : le goinfre et son ventre, la cour, papa et sa mallette : « Ah ! mon Dieu, oui », maman : « Ah ! mon Dieu non ». Après le soleil de là-bas, cela me parut triste. Mais ce soleil brillait en moi.

Mon oncle, ses ours, le plateau, les ruines, j’eus beaucoup à raconter. Maman m’écoutait volontiers et même m’interrogeait. Bien entendu, tante tenait un rôle très effacé. Mais parler du pays, c’était parler d’elle. Un rien m’y ramenait :

— Tu emploies du beurre, maman : là-bas c’est de l’huile. Tu as froid, papa : si tu savais là-bas, le mistral.

Ces histoires m’intéressaient tant ! J’aurais dû me méfier. Une fois ou deux comme je lui coupais la parole, papa prit son air de pur Lou… Un soir, il éclata. Nous avions un invité. On prononça : Provence. J’attrapai le mot, les autres durent se taire. Boum ! un poing sur la table :

— Suffit, Marcel ! Nous en avons assez de ta Provence.