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Page:Baillon - Moi quelque part, 1920.djvu/101

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— Mais non, dit l’oncle, ce ne sera rien, mange, maman, il sera tard, tu sais.

Il lui sert un gros morceau. Mais maman, décidément, n’a plus faim.

Elle laisse là sa fourchette.

Je sors une seconde fois et quand je rentre, je puis déjà montrer, sur ma veste, quelques taches de pluie.

— Cela va commencer, mon oncle.

— Vous croyez ?

— Je le crois, mon oncle, regardez…

Tantôt il y avait du soleil, maintenant on n’y voit presque plus. Marie doit allumer la lampe ; des gouttes claquent sur le carreau, les arbres se sont mis à bouger, les blés se couchent et se relèvent, des choses qui volent passent très vite sur le ciel.

— Papa, fait la tante, je commence à avoir chaud.

— Ce ne sera rien, dit l’oncle.

Et comme ce ne sera rien, tout là-bas, au-dessus des sapins, un gros éclair.

— Oh ! papa ! papa !

Lancée debout, ma tante s’est crue morte. Elle n’a eu que le temps de voir son mari et de lui tomber dans les bras.

— Oh ! papa ! papa !

— Raff !

Un éclair violet la rejette sur ses épaules, puis un rouge, un jaune, trois ensemble éblouissants.

— Oh ! papa ! papa !

Nous sommes tout de suite en plein milieu de la fête. Ne pouvant tomber sur nous, la pluie cogne à la porte et se faufile en dessous dessiner autour de nos pieds de sournoises petites mares. Marie et moi, nous avons nos sabots. Sur la table, la nappe se soulève comme en plein air. Dehors, on ne voit rien, puis brusquement tout s’illumine et c’est la terre mouillée qui brille, des arbres qui plient, la sapinière là-bas qui s’allume et s’éteint.

— Si on fermait les volets, propose l’oncle.

— Je veux bien, mon oncle.

Mais alors, pour la tante, c’est encore pis : tous ces coups