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Page:Baillon - Moi quelque part, 1920.djvu/104

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Quand je rentre, Marie m’a préparé un gros feu :

— Comme tu es méchant, dit Marie.

— Et eux, Marie ?

Un jour pourtant, l’oncle revient, sans sa femme, en bohème, avec un ami qui est peintre. Cette fois, devant un artiste, il est fier d’avoir dans sa famille un original qui ne vit pas comme tout le monde. Je l’entends d’ici : « Mon cher, vous allez voir… » Mais je ne le fais pas à la pose, moi. Et jusqu’au soir, grave, l’œil pesant, la phrase en manchette, je leur débite ce que l’on dit en ville de la politique et des ministres.

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Point de vue


Ce cousin n’est pas comme les autres de ma famille. Il a des idées plus larges, plus carrées, ou pour mieux dire plus cubiques. Il a fait des études, il est ingénieur, il comprend tout — parce que tout se mesure.

J’apprends de lui beaucoup de choses.

À trois grades près, ma maison devient l’hypoténuse d’un rectangle dont mon enclos dessine la base et cette haie la médiane. L’orifice de mon puits développe trois mètres soixante-quinze et mon seau y descend, non pas au bout d’une perche, mais suivant une perpendiculaire. Ma bêche, que je croyais une simple bêche, est un levier ; ma brouette en est un autre. J’en ai presque peur. Pensez donc. Quand je la pousse, la roue tourne tangentiellement au sol et ce sol est la base d’une ellipsoïde infinie.

— Quels beaux arbres, dit-il des chênes de la chaussée, on en ferait de si belles planches !

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