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Page:Baillon - Moi quelque part, 1920.djvu/147

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est neuve, l’accroc y est. Il veut dire : « Nous sommes pauvres. »

« Ils sont, dit un pieux livre, les Pénitents de Dieu. Ils continuent pour leur compte la souffrance de Jésus et portent dans leur chair, qui les clous, qui les épines, qui un autre instrument de la divine Passion. »

Je veux bien le croire ; je ne m’aviserai pas de leur soulever la soutane pour savoir ce qui se passe en dessous.

Tels quels, ces moines m’impressionnent très fort. Les premiers temps, quand j’en apercevais, je faisais un détour et si je ne pouvais autrement, je saluais de loin cet homme qui, pour l’amour de Dieu, s’était levé la nuit à 2 heures et ne mangeait jamais de viande.

C’est Benooi qui m’apprend à les connaître. Il m’introduit une première fois, un dimanche pour la messe et je m’étonne que ce soit si simple : on sonne à la grand’porte et l’on entre.

— Ils sont, m’explique Benooi, cent vingt : quarante pères, quatre-vingts frères.

— C’est beaucoup, Benooi, et que font-ils, les pères ?

— Rien, dit Benooi, ils font pénitence.

— Comme sur la pierre ?

— Oui, dit Benooi : ils chantent les offices, ils méditent, ils reçoivent les confessions, ils prient.

— Et les frères, Benooi ?

— Oh ! ceux-là ont la vie plus dure : ils ont une imprimerie, ils cultivent des champs ; ils dirigent la ferme, ils fabriquent de la bière, du fromage, et encore du vin : chacun a sa tâche.

— Et par-dessus le marché, ils prient, ils méditent ?

— Oui, dit Benooi.

C’est beaucoup, mais il ne faut pas être sceptique, ni compter avec les chiffres du monde : en religion, quatre-vingts frères qui travaillent, pour quarante pères qui méditent, cela ne représente pas quatre-vingts domestiques pour quarante fainéants.