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Page:Baillon - Moi quelque part, 1920.djvu/173

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du vendredi, j’ai compté : « mille fois » pour être quitte, mais est-ce juste ? Et mes dix mille mensonges ? C’est peut-être trop, et il faudrait distinguer les graves de ceux qui ne le sont pas… Et puis, je me souviens, j’ai pris un jour le bien, non d’un voisin, mais d’une tante…

— Combien, mon enfant ?

— Cent francs.

— Était-elle riche ?

— Oui.

— Alors c’est moins grave…

— Oui, mais après, elle a été pauvre.

— Alors il faudrait peut-être restituer…

— Oui, mais elle est morte…

Jamais nous n’en sortirons.

— Écoutez, mon enfant, répète le père, soyez plus simple. Et surtout pas de scrupules : ils viennent du diable.

— Oui, mon père, pourtant il y a encore ceci.

Plus j’en sors, plus il en vient ; on vide une mare : de la fange, des herbes, des grenouilles l’une dans l’autre, long comme chaîne.

— C’est tout, mon enfant ?

— Oui, mon père. Pourtant quand j’y pense ; avant mon mariage, je me suis confessé ; peut-être cette confession n’était-elle pas bonne ; alors mon mariage était sacrilège, et tout ce que j’ai fait avec ma femme…

— Passez, mon enfant.

— Oui, mon père. Pourtant il y a encore ceci. J’ai une bibliothèque.

— Oui, mon enfant.

— Dans cette bibliothèque, il y a des livres qui ne sont pas tous bons.

— Brûlez les mauvais, mon enfant.

— Mais j’y tiens.

— Comment pouvez-vous tenir à ce que vous-même dites mauvais ? Brûlez. Ce sera votre pénitence.

— Bien, mon père.

— Et maintenant, est-ce tout ?

Il faut bien une fois que ce soit tout…