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Page:Baillon - Moi quelque part, 1920.djvu/62

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— Le soir, le front en sueur, j’invite Marie à contempler mon ouvrage.

— Ça avance, dit Marie.

Je crois bien ; elle s’assied, et de toute mon avance, je ne trouve plus rien, sous son derrière.

L’ordre.

Il en faut dans un ménage. Marie le sait. C’est un principe. Elle s’appuie là-dessus comme on s’appuie sur un principe, sans comprendre que l’ordre d’une étable n’est pas celui d’un salon.

Elle use de beaucoup d’eau. Son carrelage frotté à vif, jusqu’au rouge, elle y sème, afin qu’il reste net, du sable. J’y ajoute le mien, qui me tombe des sabots.

— Mon Dieu, que tu es sale !

Pourquoi ? Son sable est blanc, le mien est jaune : c’est toute la différence.

Après son nettoyage, quand j’annonce : « Je vais fumer une pipe, » Marie se demande avec angoisse où je lancerai l’allumette. Gêné par ce regard, je ne sais plus que faire. Dois-je avaler ce morceau de bois, le déchiqueter en parcelles invisibles, ou me dérangerai-je de ma place pour le jeter dans l’âtre ? Je ne fais rien de tout cela, mais tantôt Marie qui tâtonnera dans l’obscurité pour allumer la lampe, s’étonnera de trouver dans la boîte tant d’allumettes ayant déjà servi.

Si j’ai besoin du marteau, je sais où la dernière fois j’ai planté un clou. J’y vais. Le marteau n’est plus là :

— Marie, où as-tu mis le marteau ?

— À sa place.

Oui, mais voilà, où est-elle, sa place ?

Le jardin.

Quand je remue le jardin, je n’emploie pas la bêche trop brutale, mais la fourche. Plus légère, elle brise le sol et lâche entre ses dents les mottes trop pesantes.