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Page:Baillon - Par fil special, 1924.djvu/153

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Quelquefois, je surprends, par là, un fumet qui n’est pas précisément de la corne ou du plomb. J’ai dit à Rogniez :

— Qu’est-ce qu’ils mitonnent ?

— Ça ? C’est Dominique qui cuisine à ses hommes un plat de son pays : du lard, du madère, des échalotes, des…

— Cela sent rudement bon !

Rogniez n’a rien répondu, mais cinq minutes après, un grand diable, presque nu, est entré avec une assiette :

— Mangez vite, tant que c’est chaud.

Et maintenant, quand le fumet en est à un point que je sais, je guette la porte.

— Et vous savez, me confie Rogniez, depuis qu’il y en a pour vous, ils ont renforcé le madère

Les Linotypes.


Dix hommes, sur des tabourets, les mains au clavier. On pense à des pianistes. Dos au public, ils jouent un petit air. Au lieu de notes, on entend des « clic ». Chaque coup de doigt amène une lettre ; quand il y a assez de lettres, cela fait une ligne ; assez de lignes, un article. C’est leur musique à eux : elle sort en plomb, chaude, presque brûlante.

— Laissez ça, dit Sinet. Ces hommes sont des mécaniques. Ils sont ici pour composer des lignes : ils composent des lignes.

Mais j’ai serré la main à ces mécaniques ! Je les connais, ces hommes, ils ont leur nom ; pas besoin que je cherche le signe qui marque leur travail sur les épreuves : chacun a sa