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Page:Baillon - Par fil special, 1924.djvu/68

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Avec le temps, les patrons sont devenus moins jeunes. Ils ne suggèrent plus :

— Ce qu’il faudrait…

Ils ordonnent :

— Ce que nous voulons…

Et ce qu’ils veulent est rarement dans la manière de M. Sinet :

— Bast ! Ils veulent des choux ? Va pour les choux ! Demain des raves ? Va pour les raves !

Car M. Sinet, qui la connaît dans les coins, la connaît jusque dans ceux où l’on est philosophe.

Gris de poils, pauvre en cheveux, des lunettes, M. Sinet saute d’un bond par-dessus sa grande table.

— Quel âge me donnez-vous ?

— Peuh ! Quarante… quarante-cinq ans.

— Plus, mon cher !

— Cinquante ?

— Et le reste !

— Voyons, M. Sinet, vous ne me direz pas que vous avez cinquante-cinq ans.

— Bientôt, cinquante-six, mon cher.

En ce moment, passe le comptable, M. Meunier. Vingt-cinq ans, muscles de sportif, œil balourd de celui qui ne léserait pas, d’un sou, ses patrons.

— C’est lui, Monsieur Sinet, qui a cinquante-six ans.

Il se frappe le front :

— C’est par là qu’on est jeune.

— Monsieur Sinet, les Chinois vont faire ceci… Les Américains préparent cela… Les patrons ont décidé que :…