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Page:Baillon - Par fil special, 1924.djvu/93

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velours, autant de cheveux à lui seul que nous deux ensemble. Mais il était lugubre :

— B’jour.

— Eh bien ! mon vieux, qu’est-ce que tu as ?

— Ne m’en parlez pas ! Un drame

— À la bonne heure ! Tu écris un drame ?

— Non, je n’écris pas un drame. Je parle d’un vrai drame. Je vis un drame. J’ai un chagrin !

— Un chagrin, Loideau ? Alors, prends une absinthe… Garçon !

Je ne sais quel était le chagrin de Loideau. À la première absinthe, il écouta Villiers qui défendait les vers, et moi qui défendais la prose. Il dit :

— Je suis de votre avis.

Mais il resta lugubre.

À la seconde, il ne fut pas surpris quand Villiers déclara que, somme toute, elle avait du bon, la prose ; et moi, que je voyais une grande beauté aux vers. Il dit :

— Je suis de votre avis.

Mais il resta lugubre.

À la troisième, était-ce Villiers qui montait sur une table pour jurer qu’il n’écrirait plus que de la prose, ou moi qui lui déversais dans le cou l’eau d’une carafe, la preuve que je n’écrirais plus qu’en vers ? Il dit :

— Je suis de votre avis.

Mais il resta lugubre.

Aux suivantes, il ne distingua plus si son verre n’était pas de la prose ; la table, une chaise ; et la chaise quelque chose qu’on traîne sous le bras quand on veut, pour sortir, ouvrir