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Page:Bainville - Bismarck.djvu/146

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Je crois rendre le plus grand service à M. le conseiller Gœthe en logeant chez lui comme hôte M. Denon, membre de l’Institut national et inspecteur général des beaux-arts et des musées.

Gœthe avait, en effet, connu à Venise le délicat et lettré Vivant-Denon. L’arrivée des Français lui permit ainsi de renouer une liaison agréable. C’est un bienfait dont il fut reconnaissant à la conquête.

D’ailleurs, après Vivant-Denon, directeur des musées impériaux, Gœthe se lia d’amitié avec maints militaires français. Il n’était pas médiocrement fier d’entrer dans la société de nos illustres maréchaux. Quand il eut vu Napoléon dans la rencontre célèbre et si souvent racontée, il ne se posséda plus d’orgueil et de joie. Et toute sa vie il se souvint avec fierté et ne manqua pas une occasion de faire souvenir les autres de la faveur que « le grand homme », son « protecteur », « son empereur », comme il le nommait, lui avait témoignée.

Il se trouva quelques personnes pour estimer que Gœthe manquait un peu de sens allemand et de patriotisme germanique. Elles furent rares. Le cas de Gœthe n’était pas unique ; tant de Berlinois eux-mêmes allaient faire aussi bon accueil que les gens de Weimar à nos soldats ! Le fait est que l’Allemagne de 1806 ne prit pas Iéna pour une catastrophe nationale ; qu’elle s’émut fort peu d’une défaite prussienne et que Gœthe, le plus représentatif de tous les Allemands, ne fut pas éloigné de se