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Page:Bainville - Bismarck.djvu/149

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trop oublier que les Français ont vu, un jour qui n’est pas si loin, l’aigle de Prusse tourner casaque, si l’on ose s’exprimer ainsi.

Cependant le mot de Bonald est juste et vrai : « Toutes les victoires de Napoléon sont au Muséum. » Il ne reste d’Iéna que la gloire et les trophées. Ou du moins il en reste les résultats, inverses de ceux qu’on attend ordinairement de la victoire. Iéna fut un inutile et dangereux triomphe en préparant le nationalisme allemand, en faisant naître un patriotisme inconnu jusqu’alors.

Bismarck, fondateur de l’unité allemande, a bien discerné le service que l’intervention napoléonienne rendit à l’œuvre des Hohenzollern. On pouvait croire que l’empereur avait à jamais anéanti la Prusse qu’il tenait sous sa botte, la dynastie dont il avait le pouvoir de renverser le trône. Au contraire, il ouvrait à la Prusse et à l’Allemagne des destins inespérés. Bismarck en a témoigné en prononçant ces paroles, le 31 octobre 1892, sur la place du marché d’Iéna :

Sans l’effondrement du passé, le réveil du sentiment national allemand en pays prussien, de ce sentiment national qui tire son origine d’une époque de honte profonde et de domination étrangère, n’eût pas été possible.

C’est la vraie morale politique du centenaire d’Iéna. Et les paroles de Bismarck seront singulièrement complétées par ce passage des mémoires d’un soldat de Napoléon. Le brave Marbot, excellent cavalier, vaillante estafette et grand donneur