Aller au contenu

Page:Bainville - Bismarck.djvu/161

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de Brunswick la subversion dont il menaçait, il y a quinze ans, la capitale du grand peuple auquel je commande ? »

C’est à Berlin surtout, et dans cette campagne de Prusse, que Napoléon Ier prit le langage et l’attitude de soldat de la Révolution, tant il avait conscience que c’étaient les idées révolutionnaires qui agissaient et paraissaient dans toutes les phases de ce grand conflit.

Thiers lui-même, ce froid annaliste, si peu curieux des idées et si peu soucieux des causes n’a pu s’empêcher de remarquer ce qu’a de saisissant l’entrée du soldat qui représentait la Révolution armée dans les États du roi-philosophe, de ce grand Frédéric, qui avait si imprudemment allié à sa politique réaliste le goût de l’Encyclopédie. Thiers écrit donc ceci :

Napoléon arriva le 24 octobre au soir à Potsdam. Aussitôt il se mit à visiter la retraite du grand capitaine, du grand roi qui s’appelait le philosophe de Sans-Souci, et avec quelque raison, car il semblait porter le poids de l’épée et du sceptre avec une indifférence railleuse, se moquant de toutes les cours de l’Europe, on oserait même ajouter de ses peuples, s’il n’avait mis tant de soin à les bien gouverner. Napoléon parcourut le grand et le petit palais de Potsdam, se fit montrer les œuvres de Frédéric, toutes chargées des notes de Voltaire, chercha dans sa bibliothèque à reconnaître de quelles lectures se nourrissait ce grand esprit, puis alla voir dans l’église de Potsdam le modeste réduit où repose le fondateur de la Prusse… Frédéric et Napoléon se rencontraient ici d’une manière bien étrange ! Le roi-philosophe, qui, sans qu’il s’en doutât, s’était fait du haut du trône l’un des promoteurs de la Révolution française, couché mainte-