Page:Bakounine - Œuvres t2.djvu/137

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

considérations morales n’y entrent pour rien.

Le droit des gens, les traités qui règlent les rapports des États, sont privés de toute sanction morale. Ils sont, dans chaque époque déterminée de l’histoire, l’expression matérielle de l’équilibre résultant de l’antagonisme mutuel des États. Tant qu’il y aura des États, il n’y aura point de paix. Il n’y aura que des trêves plus ou moins longues, des armistices conclus de guerre lasse par ces belligérants éternels, les États ; et, aussitôt qu’un État se sentira assez fort pour rompre cet équilibre à son profit, il ne manquera jamais de le faire. Toute l’histoire est là pour le prouver.

Ce serait donc une grande folie de notre part que de fonder notre sécurité sur la foi des traités qui garantissent l’indépendance et la neutralité de la Suisse. Nous devons la fonder sur des bases plus réelles.

L’antagonisme des intérêts et la jalousie mutuelle des États qui entourent la Suisse offrent une garantie beaucoup plus sérieuse, il est vrai, mais très insuffisante encore. Il est parfaitement vrai qu’aucun de ces États ne pourrait à lui seul porter la main sur la Suisse, sans que tous les autres ne s’y opposent aussitôt, et l’on peut être certain que le partage de la Suisse ne pourra pas se faire au commencement d’une guerre européenne, alors que chaque État, encore incertain du succès, aura tout intérêt à masquer ses vues ambitieuses. Mais on pourra faire ce partage à la fin d’une grande guerre, au profit des