Page:Bakounine - Œuvres t2.djvu/321

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catastrophe, et comme un second coup d’apoplexie qui tuera certainement l’organisme politique de l’État. Eh bien, l’Allemagne est travaillée précisément aujourd’hui par cette même fièvre, par cette même passion de grandeur nationale que la France avait éprouvée et expérimentée dans toutes ses phases, il y a 70 à 60 ans, et qui à cause de cela même est devenue désormais incapable de l’agiter et de l’électriser. Les Allemands qui se croient aujourd’hui le premier peuple du monde sont arriérés de 60 ans au moins, en comparaison de la France, arriérés au point que la Staatszeitung, la gazette officielle |66 de la Prusse se permet de leur montrer dans un prochain avenir, comme récompense de leur dévouement héroïque, « l’établissement d’un grand Empire Tudesque, fondé sur la crainte de Dieu et sur la vraie morale ». Traduisez ceci en bon langage catholique et vous aurez l’Empire rêvé par Louis XIV. Leurs conquêtes, dont ils sont si fiers à présent, les feraient reculer de deux siècles ! Aussi tout ce qu’il y a d’intelligence honnête et vraiment libérale en Allemagne — sans parler déjà des démocrates socialistes — commence à s’inquiéter sérieusement des conséquences fatales de leurs propres victoires ! Encore quelques semaines de sacrifices pareils à ceux qu’ils ont dû faire jusqu’ici, moitié par force, moitié par exaltation, et leur fièvre commencera à tomber, et une fois qu’elle commencera à décroître, sa décadence sera rapide. Les Allemands compteront leurs pertes en argent et en hommes, ils les compareront aux avantages obtenus, et alors le roi Frédéric-Guillaume et Bismarck son inspirateur, son ministre, n’auront qu’à se tenir bien. Voici pourquoi il est absolument indispensable pour eux de revenir victorieux et les mains pleines.

L’autre raison de la puissance inouïe développée ac-