Page:Bakounine - Œuvres t2.djvu/347

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au nouveau mouvement révolutionnaire qu’on avait cru pouvoir y déterminer, une lettre pour lui annoncer son départ de Marseille. Il lui disait :

« Je dois quitter cette place, parce que je n’y trouve absolument rien à faire, et je doute que tu trouves quelque chose de bon à faire à Lyon. Mon cher, je n’ai plus aucune foi dans la révolution en France. Le peuple lui-même y est devenu doctrinaire, raisonneur et bourgeois comme les bourgeois… Je quitte ce pays avec un profond désespoir dans le cœur. J’ai beau m’efforcer de me persuader du contraire, je crois bien que la France est perdue, livrée aux Prussiens par l’incapacité, la lâcheté et la cupidité des bourgeois[1]. »

Le lendemain 24, Bakounine s’embarquait pour Gênes, caché sous un déguisement : « Il fit tomber sa barbe et ses long cheveux, écrit un ami qui l’accompagna jusqu’au navire[2], et affubla ses yeux d’une paire de lunettes bleues. Après s’être regardé dans une glace ainsi transformé : Ces jésuites-là me font prendre leur type, dit-il en parlant de ses persécuteurs. » Trois ou quatre jours plus tard, il arrivait à Locarno.

Dans sa retraite, Bakounine entreprit aussitôt un autre ouvrage, laissant inachevé le manuscrit de 114 pages commencé à Marseille. Ce nouvel écrit devait être, lui aussi, une suite des Lettres à un Français, et débutait également par la reproduction de la lettre à

  1. D’autres extraits de cette même lettre ont été donnés dans la Notice biographique placée en tête de ce volume.
  2. Charles Alerini, précédemment professeur au collège de Barcelonnette, et plus tard, en 1871, réfugié en Espagne. C’est du fond d’une prison espagnole qu’en septembre 1876 Alerini m’envoya une relation écrite du départ de Bakounine de Marseille, comme contribution à une biographie future du grand agitateur révolutionnaire.