Page:Bakounine - Œuvres t2.djvu/442

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fonder sur les mêmes conditions de la vie, sur la communauté des intérêts. Et comme il y a, par les conditions même de leur existence respective, entre le monde bourgeois et le monde ouvrier un abîme, l’un étant le monde exploitant, l’autre le monde exploité et victime, j’en conclus que si un homme, né et élevé dans le milieu bourgeois, veut devenir, sincèrement et sans phrases, l’ami et le frère des ouvriers, il doit renoncer à toutes les conditions de son existence passée, à toutes ses habitudes bourgeoises, rompre tous ses |60 rapports de sentiment, de vanité et d’esprit avec le monde bourgeois, et, tournant le dos à ce monde, devenant son ennemi et lui déclarant une guerre irréconciliable, se jeter entièrement, sans restriction ni réserve, dans le monde ouvrier.

S’il ne trouve pas en lui une passion de justice suffisante pour lui inspirer cette résolution et ce courage, qu’il ne se trompe pas lui-même et qu’il ne trompe pas les ouvriers ; il ne deviendra jamais leur |71 ami. Ses pensées abstraites, ses rêves de justice, pourront bien l’entraîner dans les moments de réflexion, de théorie et de calme, alors que rien ne bouge à l’extérieur, du côté du monde exploité. Mais que vienne un moment de grande crise sociale, alors que ces deux mondes irréconciliablement opposés se rencontrent dans une lutte suprême, et toutes les attaches de sa vie le rejetteront inévitablement dans le monde exploiteur. C’est ce qui est précédemment arrivé à beaucoup de nos ci-devant amis, et c’est ce