Page:Bakounine - Œuvres t2.djvu/487

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mais eu d’autre, tant sous le rapport de son développement intérieur que sous celui de son extension exté-

    en nous dotant de tant de belles choses, n’ont pas oublié d’apporter, n’ont pas pu ne pas apporter avec eux leur culte non plus oriental, mais protestant-germanique, du souverain, représentant personnel de la raison d’État, la philosophie de la servilité nobiliaire, bourgeoise, militaire et bureaucratique érigée en système ; ce qui fut un grand malheur, selon moi. Car l’esclavage oriental, barbare, rapace, pillard de notre noblesse et de notre clergé était le produit très brutal, mais tout à fait naturel, de circonstances historiques malheureuses, d’une profonde ignorance, et d’une situation économique et politique encore plus malheureuse. Cet esclavage était un fait naturel, non un système, et comme tel il pouvait et il devait se modifier sous l’influence bienfaisante des idées libérales, démocratiques, socialistes et humanitaires de l’Occident. Il s’est modifié, en effet, de sorte que, pour ne faire mention que des faits les plus caractéristiques, nous avons vu de 1818 à 1825 plusieurs centaines de nobles, la fleur de la noblesse, appartenant à la classe la plus élevée et la plus riche en Russie, former une conspiration très |105 sérieuse et très menaçante contre le despotisme impérial, avec le but de fonder sur ses ruines une constitution monarchique libérale, selon le désir des uns, ou une république fédérative et démocratique, selon celui du grand nombre, ayant pour base, l’une et l’autre, l’émancipation complète des paysans avec la propriété de la terre. Depuis il n’y a pas eu une seule conspiration en Russie à laquelle des jeunes nobles, souvent fort riches, n’aient participé. D’un autre côté, tout le monde sait que ce sont précisément les fils de nos prêtres, les étudiants de nos académies et de nos séminaires, qui constituent la phalange sacrée du parti socialiste révolutionnaire en Russie. Que Messieurs les patriotes allemands, en présence de ces faits incontestables et que toute leur |92 mauvaise foi proverbiale ne parviendra pas à détruire, veuillent bien me dire s’il y a jamais eu en Allemagne beaucoup de nobles et d’étudiants en théologie qui aient conspiré contre l’État pour l’émancipation du peuple ? Et pourtant ce ne sont pas les nobles ni les théologiens qui lui manquent. D’où vient donc cette pauvreté, pour ne pas dire cette absence de sentiments libéraux et démocratiques dans la noblesse, dans le clergé, et je dirai aussi, pour être sincère jusqu’au bout, dans la bourgeoisie de l’Allemagne ? C’est que dans toutes ces classes respectables, représentantes de la civilisation allemande, le ser-