Page:Bakounine - Œuvres t2.djvu/490

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sées : l’une vers une puissante unité nationale, l’autre vers la liberté. Ayant voulu concilier deux choses inconciliables, ils ont longtemps paralysé l’une par l’autre, jusqu’à ce qu’enfin, avertis par l’expérience, ils se soient décidés à sacrifier l’une pour conquérir l’autre. Et c’est ainsi que sur les ruines, non de leur liberté, — ils n’ont jamais été libres, — mais de leurs rêves libéraux, ils sont en train de bâtir maintenant leur grand Empire prusso-germanique. Ils constitueront désormais, de leur propre aveu, librement, une puissante nation, un formidable État et un peuple esclave.




|94 Pendant cinquante années de suite, depuis 1815 jusqu’en 1866, la bourgeoisie allemande avait vécu dans |108 une singulière illusion par rapport à elle-même : elle s’était crue libérale, elle ne l’était pas du tout. Depuis l’époque où elle reçut le baptême de Mélanchthon et de Luther, qui l’inféodèrent religieusement au pouvoir absolu de ses princes, elle perdit définitivement tous ses derniers instincts de liberté. La résignation et l’obéissance quand même devinrent plus que jamais son habitude et l’expression réfléchie de ses plus intimes convictions, le résultat de son culte superstitieux pour la toute-puissance de l’État. Le sentiment de la révolte, cet orgueil satanique qui repousse la domination de quelque maître que ce soit, divin ou humain, et qui seul crée dans l’homme l’amour de l’indépendance