Page:Bakounine - Œuvres t3.djvu/228

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placer et de se placer lui-même dans le haut prolétariat, dans le prolétariat privilégié : soit dans quelque fonction de l’État, soit comme administrateur salarié d’une entreprise commerciale ou industrielle, soit enfin comme commis, avec une rétribution de travail toujours supérieure à celle qu’il avait payée à ses ouvriers.

Les risques de l’ouvrier sont infiniment plus grands. D’abord, si l’établissement dans lequel il est employé fait banqueroute, il reste quelques jours, et souvent quelques semaines, sans travail : et, pour lui, c’est plus que la ruine, c’est la mort ; car il mange chaque jour tout ce qu’il gagne. Les épargnes du travailleur sont un conte bleu, inventé par les économistes bourgeois pour endormir le faible sentiment de justice, les remords qui pourraient s’éveiller par hasard au sein même de leur classe. Ce conte ridicule et odieux n’endormira jamais les angoisses du travailleur. Il sait ce qu’il lui en coûte de suffire aux besoins de chaque jour de sa nombreuse famille. S’il avait des épargnes, il n’enverrait pas ses pauvres enfants, depuis l’âge de six ans, s’épuiser, s’étioler, se faire physiquement et moralement assassiner dans les fabriques où ils sont forcés de travailler, nuit et jour, douze et souvent quatorze heures par jour.

|97 Si même il arrive quelquefois que l’ouvrier fasse une petite épargne, elle est bien vite consommée par les jours de chômage forcé qui interrompent trop souvent et trop cruellement son travail, aussi bien que par les accidents imprévus et les maladies qui