Page:Bakounine - Œuvres t3.djvu/234

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libre que l’ouvrier. C’est la rencontre du lucre avec la faim, du maître avec l’esclave. Juridiquement, ils sont égaux ; économiquement, l’ouvrier est le serf du capitaliste, même avant la conclusion du marché par lequel il lui vendra à terme sa personne et sa liberté, parce que cette menace terrible de la faim, qui est chaque jour suspendue sur lui et sur toute sa famille, le forcera d’accepter toutes les conditions qui lui seront imposées par les calculs lucratifs du capitaliste, du chef d’industrie, du patron.

|100 Une fois que le marché est conclu, le servage de l’ouvrier devient double ; ou plutôt, avant d’avoir conclu ce marché, aiguillonné par la faim, il n’était serf qu’en puissance, que par la nécessité de se vendre ; après l’avoir conclu, il devient serf en réalité. Car quelle est la marchandise qu’il a vendue au patron ? C’est son travail, son service personnel, la force productive corporelle, intellectuelle et morale qui se trouve en lui et qui est inséparable de sa personne, — c’est donc sa propre personne. Désormais le patron veillera sur lui, soit directement, soit par ses contre-maîtres ; le patron sera chaque jour, pendant les heures et dans les conditions convenues, le maître de ses actes et de ses mouvements. Il lui dira : « Tu feras cela », et l’ouvrier sera forcé de le faire ; ou bien : « Tu iras là-bas », et il devra y aller. N’est-ce pas là ce qu’on appelle le servage ?

M. Charles Marx, l’illustre chef du communisme allemand, observe justement, dans son magnifique