Page:Bakounine - Œuvres t3.djvu/236

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commencer une existence libre, où il n’aurait d’autre patron que lui-même ? Non, ce sera pour se vendre à un nouveau patron. Il y sera poussé fatalement par cette même faim qui l’avait déjà vendu au premier. Donc sa liberté, cette liberté de l’ouvrier qu’exaltent tant les économistes, les juristes et les républicains bourgeois, n’est qu’une liberté théorique sans aucun moyen de réalisation possible, par conséquent une liberté toute fictive, un mensonge. La vérité est que toute la vie de l’ouvrier ne présente autre chose qu’une continuité désolante de servages à terme, |101 juridiquement volontaires, mais économiquement forcés, une permanence de servages, momentanément interrompus par la liberté accompagnée de la faim, et, par conséquent, un réel esclavage.

Cet esclavage se manifeste dans la pratique de chaque jour, de toutes les manières possibles. En dehors des conditions déjà si vexatoires du contrat, qui font de l’ouvrier un subordonné, un serviteur obéissant et passif, et du patron un maître quasi-absolu, il est notoire qu’il n’existe presque pas d’établissement industriel où le maître, poussé, d’un côté, par ce double instinct, du lucre dont l’appétit n’est jamais satisfait, et du maître qui aime à faire sentir sa toute-puissance, et, de l’autre, profitant de la dépendance économique où se trouve l’ouvrier, ne transgresse ces conditions à son profit et au détriment de l’ouvrier : tantôt en lui demandant plus d’heures, ou de demi-heures ou de quarts d’heure