Page:Bakounine - Œuvres t3.djvu/313

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maîtriser ; alors même, ai-je dit, qu’il entreprend et qu’il accomplit des actes qui sont en apparence les plus contraires à la nature, il obéit encore aux lois de la nature. Rien ne peut l’y soustraire, il en est l’esclave absolu. Mais cet esclavage n’en est pas un, parce que tout esclavage suppose deux êtres existant l’un en dehors de l’autre, et dont l’un est soumis à l’autre. L’homme n’est pas en dehors de la nature, n’étant lui-même rien que nature ; donc il ne peut pas en être esclave.

Quelle est donc la signification de ces mots : combattre, maîtriser la nature ? Il y a là un malentendu éternel qui s’explique par le double sens qu’on attache ordinairement à ce mot nature. Une fois on la considère comme l’ensemble universel des choses et des êtres, aussi bien que des lois naturelles ; contre la nature ainsi entendue, ai-je dit, il n’y a point de lutte possible ; puisqu’elle embrasse et contient tout, elle est l’omnipotence absolue, l’être unique. Une autre fois, on entend par ce mot nature l’ensemble plus ou moins restreint des phénomènes, des choses et des êtres qui entourent l’homme, en un mot son monde extérieur. Contre cette nature extérieure, la lutte n’est pas seulement possible, elle est fatalement nécessaire, fatalement imposée par la nature universelle à tout ce qui vit, à tout ce qui existe ; car tout être existant et vivant, comme je l’ai déjà fait observer, porte en lui-même cette double loi naturelle : 1° de ne point pouvoir vivre en dehors de son milieu naturel ou de son monde exté-