Page:Bakounine - Œuvres t3.djvu/365

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« Moi aussi j’ai essayé de tracer sous le nom d’immensité le caractère philosophique de ce que M. Spencer appelle l’incognoscible ; ce qui est au delà du savoir positif, soit matériellement, le fond de l’espace sans bornes, soit intellectuellement, l’enchaînement des causes sans terme, est inaccessible à l’esprit humain. Mais inaccessible ne veut pas dire nul ou non-existant. L’immensité tant matérielle qu’intellectuelle tient par un lien étroit à nos connaissances, et devient par cette alliance une idée positive et du même ordre ; je veux dire que, en les touchant et en les abordant, cette immensité apparaît sous son double caractère, la réalité et l’inaccessibilité. C’est un océan qui vient battre notre rive, et pour lequel nous n’avons ni barque, ni voile, mais dont la claire vision est aussi salutaire que formidable[1]. »

Nous devons sans doute être contents de cette belle explication, parce que nous l’entendrons dans notre sens, qui sera certainement aussi celui de l’illustre chef du positivisme. Mais ce qu’il y a de malheureux, c’est que les théologiens en seront également ravis, au point que, pour prouver leur reconnaissance à l’illustre académicien pour cette magnifique |200 déclaration en faveur de leur propre principe, ils seront capables de lui offrir gratis cette voile et cette barque qui lui manquent de son propre aveu, et dont ils sont certains d’avoir la possession

  1. Cours de Philosophie positive d’Auguste Comte, tome Ier : Préface d’un disciple, pages XLIV-XLV