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Page:Bakounine - Lettres à Herzen et Ogarev, trad. Stromberg, Perrin, 1896.djvu/272

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n’entravent pas la cause dans le présent, ni dans l’avenir. Alors, je te demande pardon. Mais malgré tout le respect qui leur est dû, les entraveurs seront repoussés. Tu me dis que dans la théorie, tu es parfaitement d’accord avec mes idées, ce dont je ne pouvais me douter, mais qu’il ne serait pas pratique d’en faire la propagande actuellement, attendu que les masses ne sont pas encore préparées à les voir réalisées. Je n’admets point cela. C’est justement, parce que, élémentairement, ces idées vivent dans l’esprit du peuple et que, de tout temps, elles ont été vivaces chez lui, qu’elles ont pour elles l’avenir. En effet, les masses se rapprochent beaucoup plus de notre idéal que du libéralisme constitutionaliste par exemple ou du républicanisme mazzinien. En 1848, toi-même, répétais encore sur tous les tons qu’il n’y a pas de vie en dehors de nos idées. Nous ne pouvons donc pas nous mettre à prêcher la désagrégation cadavérique dans son ensemble, ni même partiellement. Que nos idées ne puissent prendre racine, ni même être assimilées et surtout réalisées de suite, c’est là une affaire à part. Nous aurons à endurer beaucoup de maux et nous devrons faire preuve d’une patience inouïe, avant de voir leur avènement. Nous sera-t-il donné même d’assister à la réalisation d’un millionième seulement de nos rêves ou, du moins, aurons-nous la chance de mourir comme Samson ? Toutes ces questions, certes, sont fort intéressantes pour nous personnellement ; mais si nous n’y survivons pas, que nous ne le voyions pas, qu’importe ? Pourvu que nos jours ne se soient pas écoulés tout à fait inutilement et que, sur notre passage, nous laissions une trace vivante. Chacun de nous suivra son che-