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Page:Bakounine - Lettres à Herzen et Ogarev, trad. Stromberg, Perrin, 1896.djvu/277

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avait eu vent de tes discordes avec la jeunesse ? Après avoir rompu avec elle, lui-même tarit et se laisse aller à la décrépitude. En effet, n’a-t-il pas songé à la possibilité de se tenir désormais dans ton camp, sachant que les mêmes causes amènent les mêmes résultats ?

Dans notre nouvelle génération, si nous prenons quelques individualités, nous trouverons une masse de choses désagréables, ce qui, d’ailleurs, est tout à fait naturel. L’ancienne morale, basée sur les traditions patriarcales, religieuses et hiérarchiques, s’effondre irrévocablement. Une morale nouvelle n’a pu encore être créée, elle est seulement pressentie. Ce n’est, en effet, que par l’action d’une révolution sociale qu’elle peut devenir concrète. L’intelligence et la force morale d’un seul homme, si grandes qu’elles puissent être, ne sauraient y suffire. C’est pourquoi une morale nouvelle ne peut encore se formuler. La jeunesse russe cherche cette formule, mais elle ne l’a pas encore trouvée ; elle ne voit encore que les oscillations, les contradictions, voire les monstruosités qui, parfois, s’accentuent jusqu’au scandale. Nous les apercevons également dans les événements de 1793 et des années suivantes ; seulement, alors, la guillotine purifiait les mœurs et faisait le grand nettoyage, même en extirpant l’herbe verte, qu’elle soustrayait ainsi à la pourriture. Tout cela est très désagréable, très douloureux et très affligeant, mais c’est logique et inévitable. Tous ces maux sont encore doublés, il est vrai, par l’inexpérience de notre malheureuse colonie ; par ce mal spécial qui dévore les réfugiés politiques russes, que tu as si bien étudiés et si justement décrits dans tes Mémoires. Mais, ces défauts partiels ne doivent pas