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Page:Bakounine - Lettres à Herzen et Ogarev, trad. Stromberg, Perrin, 1896.djvu/293

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la cuisine est italienne, et tout est gai, simple, hospitalier, cordial. Tu vois bien que je suis dans le ravissement. Je crains seulement que la douceur de cette vie et de ce climat n’amollisse mon tempérament et ne réduise ma fougue de socialiste à outrance. Car, ici, vraiment, on ne peut même pas en vouloir au bourgeois, il est encore si simple, et si naïf, et il vit lui-même de la vie du peuple, leurs intérêts en toute matière sont indivisibles.

Eh ! mon vieux, songes-y remue-toi quelque peu, arrange tes affaires et fais un salto mortale. Ici on jouit de sa pleine liberté pour faire toute sorte de politique (sauf la politique italienne) et, bien entendu, on est absolument libre de faire la propagande russe. Le bon marché de la vie est surprenant. Le climat est salubre. Le courrier d’Europe arrive deux fois par jour et celui d’Italie, quatre fois. Est-ce qu’on ne pourrait pas transférer votre imprimerie à Lugano, ou, mieux encore, ici, à Locarno ? Dans ce pays tu revivrais entièrement. Je ne vois qu’un seul inconvénient pour ton déplacement, c’est Heinrich et ton Touz. Mais Heinrich n’a plus besoin de soutien et peut marcher seul, quant à Touz, il ira tout de même à l’école ici, qui est aussi bonne que celle de Genève. Pour Herzen, c’est différent. C’est un besoin pour lui et pour sa famille de voir beaucoup de monde, d’être toujours entourés, de vivre au milieu du bruit mondain. Il n’aime pas à se plonger entièrement dans la vie mondaine, mais il se plaît de se trouver à côté. Quant à toi, tu serais tout à fait heureux ici. Et Herzen, lui-même viendrait volontiers te voir de temps en temps pour prendre quelques jours de repos. Pour le moment je te dis adieu, il est bien temps d’aller me coucher. Voici mon adresse : Suisse,