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rire). ― Je vous demande pardon, mais là, vrai, c’est trop drôle. Baron ! Monsieur Poirier !

Tout est affectif, dans cette explosion de gaieté ironique, mots et syntaxe ; imaginez le même personnage éclatant de rire et disant, comme le réclame le langage de la logique : « Je trouve tout à fait comique l’idée que vous, qui vous appelez Monsieur Poirier, puissiez porter le titre de baron. » C’est comme si un corps vivant se changeait soudain en squelette rigide.

LE LANGAGE ET LA SOCIÉTÉ

L’homme ne vit pas seul, toujours en face de lui-même ; dans toutes ses démarches, il rencontre d’autres hommes et doit compter avec eux. Depuis Aristote, nous avons l’habitude de dire qu’il est un « animal sociable » ; le langage est le produit de cet instinct de sociabilité. Mais on oublie d’ajouter que, si l’homme est fait pour vivre en société, il n’est pas socialisé, comme le sont certaines espèces animales, les abeilles, par exemple. Il ne peut pas l’être, parce que les ins-