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Page:Bally - Le Langage et la Vie, 1913.djvu/38

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représenter les relations particulières (familières, correctes, obligées, officielles) qui existent entre cette personne et moi ; involontairement je pense, non seulement à l’action que je veux exercer sur elle, mais aussi à l’action qu’elle peut exercer sur moi ; je me représente son âge, son sexe, son rang, le milieu social auquel elle appartient ; toutes ces considérations peuvent modifier le choix de mes expressions et me faire éviter tout ce qui pourrait détonner, froisser, chagriner. Au besoin le langage se fait réservé, prudent ; il pratique l’atténuation et l’euphémisme, il glisse au lieu d’appuyer. C’est dans les formes dites de politesse qu’on retrouve le plus grand nombre de ces nuances. Ainsi, au lieu du simple : Entrez ! on dira : Veuillez entrer !Donnez-vous la peine d’entrer !Faites-moi le plaisir d’entrer ! Au lieu de Vous mentez ! l’hypocrisie, la peur, les égards qu’on doit à quelqu’un incitent à dire : Vous vous trompez !Vous êtes victime d’une erreur !Vous exagérez !Ce n’est pas tout à fait exact, etc. C’est encore l’hypocrisie sociale qui crée des précautions oratoires telles que : Je n’ai pas besoin de vous recommander la plus grande discrétion. C’est pour faire avaler une objection que l’on commence par des tours tels que : Vous avez raison, mais…Je veux