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Page:Bally - Le Langage et la Vie, 1913.djvu/72

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En fait, quand nous comparons deux langues, nous avons peine à nous dire simplement qu’elles présentent entre elles des différences et que ces différences reflètent des mentalités diverses. Là encore nous introduisons dans l’examen des notions de valeur. Pour la plupart des gens, les langues sont, a priori, supérieures les unes aux autres, sous le rapport de l’harmonie, de l’expression, de la clarté, de la logique, etc. Mais ces critères sont subjectifs ; c’est notre langue maternelle que nous prenons pour norme ; comment ne pas lui donner la préférence, au moins inconsciemment, puisqu’elle est un peu nous-mêmes et inséparable de notre vie ?

Ce qui nous frappe surtout dans un idiome étranger, c’est son système phonique, la nature de ses sons, le vêtement musical des mots. C’est là que notre subjectivisme s’étale ; un « accent » étranger plaît ou déplaît dans la mesure où il s’harmonise avec le nôtre. Le Russe chante en parlant : cela paraît bizarre à ceux dont la langue n’a pas d’accent de hauteur ; les Français ont peine à digérer les sons gutturaux de l’allemand (Ach ! Komm !) ; nous nous moquons de la diphtongaison des voyelles anglaises, qui nous font penser à des miaulements (Why and how have I bound my mule ?) ; le na-