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Page:Bally - Le Langage et la Vie, 1913.djvu/78

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truction qui se fait et se défait sans cesse, et les survivances du passé font la plupart du temps double emploi avec les créations nouvelles.

On peut objecter que, en dehors des langues internationales, la langue scientifique cherche à se conformer au principe d’univocité. Mais c’est précisément ce qui l’éloigne du langage de la vie. Les sciences naturelles ont des noms pour toutes les bêtes de la création ; le style d’une démonstration mathématique est entièrement logique ; mais les noms que forge la science sont ou bien inintelligibles pour le vulgaire, tant les choses désignées sont spéciales (ischiocèle, lipôme, etc.), ou bien, pour entrer dans le langage ordinaire, ils doivent s’adapter à lui en perdant quelque chose de leur sens définitionnel et en s’affectivant (voyez, par exemple, ce que le langage courant a fait des mots philosophie, idéalisme, casuistique, métaphysique, etc.). Construisez vos phrases en parlant comme si vous démontriez un théorème de géométrie : on rira ou on bâillera.

Dans le langage journalier, il n’est pas un mot qui n’ait plusieurs sens et ne prête à la confusion ; on ne sait jamais exactement ce que c’est qu’une table, puisqu’il y a des tables à écrire, des tables de logarithmes, etc. ; une colonne (colonne de temple, de journal, etc.), un