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Page:Bally - Le Langage et la Vie, 1913.djvu/88

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Disons d’abord que cette dénomination est ambiguë. En donnant une importance exagérée aux mots découpés par l’écriture, on est porté à croire que la tendance analytique ne se réalise pleinement que lorsque chaque mot ou chaque signe forme un élément libre ; or la division des mots par l’écriture n’est pas essentielle dans cette question ; elle est souvent un trompe-l’œil qui fait croire à un progrès linguistique dans bien des cas où une tendance opposée est en jeu. On prétend par exemple que le latin est plus synthétique parce qu’il est flexionnel, et le français plus analytique, parce qu’il indique les rapports grammaticaux par des particules « indépendantes » ; on croit que corpus hominis est plus synthétique que le corps de l’homme (à cause de la particule de, soi-disant distincte du substantif homme) ; c’est une idée erronée, et, en tout cas, la distinction n’est pas une marque de l’intellectualité plus ou moins grande de l’expression. L’essentiel est que chaque idée et chaque aspect de l’idée aient leurs symboles distincts. Or dans hominis le symbole-relation du génitif (-is) et le symbole-idée (homo) sont tout aussi distincts que dans le français de l’homme ; la façon dont le symbole grammatical (-is, de) est mis en relation avec le symbole lexicologique