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Page:Bally - Le Langage et la Vie, 1913.djvu/91

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remarquer seulement que, pour la conscience linguistique actuelle, le signe du futur est -rai et non plus -ai).

Mais voici qu’à son tour ce futur est battu en brèche ; il est insuffisant pour les besoins de l’expression affective, et plusieurs formes périphrastiques aspirent à lui succéder (je vais entrer, je veux entrer, et, provincialement : il veut pleuvoir ; il doit venir à cinq heures, j’ai à vous parler, etc.) ; aucune n’a triomphé définitivement. Si c’est l’auxiliaire vouloir qui devient plus tard le symbole du futur, il passera sans doute par les étapes qu’a franchies le futur du grec moderne : de ὑπάξω on a passé à θέλω ἵνα ὑπάγω, et, par condensation successive, cette forme est devenue θένα πάω, θα πάω, où θα n’est plus qu’un préfixe. Dans tous les cas, les formes habeo, je veux, θέλω sont des produits de la pensée émotive et active, nullement de la pensée intellectuelle et analytique. Les formes périphrastiques du futur proviennent d’une conception subjective de l’avenir, que nous imaginons surtout comme la portion du temps réservée à nos désirs, nos craintes, nos résolutions et nos devoirs. Ainsi, contrairement à la doctrine traditionnelle, intrabo et j’entrerai semblent plus intellectuels que intrare habeo et je veux entrer.