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Page:Bally - Le Langage et la Vie, 1913.djvu/96

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doute, il reste la distinction entre l’homme et un homme ; mais sera-t-elle assez forte pour maintenir les articles dans leur ancien rôle ? Il en est des organes linguistiques comme des organes corporels : ils ne peuvent fournir qu’une somme déterminée de travail, et si leur effort est concentré sur une fonction nouvelle, l’ancienne fonction ne saurait plus être remplie avec la même régularité.

Or, pour l’article, cette nouvelle fonction n’est pas la seule ; voici qu’il sert à distinguer les genres, surtout l’indéfini (un ami, une amie, plus clair que l’ami, l’amie). Cette fonction, il l’a toujours eue accessoirement, comme celle de distinguer les nombres ; mais elle est devenue tout à fait absorbante depuis que les finales des mots ne marquent plus cette différence. En latin, il était possible d’assigner, par leur finale, le genre féminin aux mots qui sont devenus en français rose, femme, table, tuile, règle, eau, etc. ; la terminaison -a suffisait pour cela ; mais dès l’ancien français, par suite de confusions créées par les changements phonétiques, cette finale a cessé d’être significative (cf. rose et père) ; actuellement table, rose, etc., sont aussi peu reconnaissables comme féminins que homme, four, mur, souffle le sont comme mas-