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Page:Balzac-Le député d'Arcis-1859.djvu/106

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Paradis, mon tigre, et il a fini par avouer que vous souhaitiez faire entrer Anicette au service de la plus riche maison d’Arcis. Or, comme la plus riche maison d’Arcis est celle des Beauvisage, je ne doute pas que ce ne soit mademoiselle Cécile qui veut jouir de ce trésor…

— Oui, monsieur…

— Eh bien ! Anicette entrera ce matin au service des Beauvisage !

Il siffla. Paradis se présenta si rapidement que l’inconnu lui dit : Tu écoutais !

— Malgré moi, monsieur le comte ; les cloisons sont en papier… Si monsieur le comte le veut, j’irai dans une chambre en haut…

— Non, tu peux écouter, c’est ton droit… C’est à moi à parler bas quand je ne veux pas que tu connaisses mes affaires… Tu vas retourner à Cinq-Cygne, et tu remettras de ma part cette pièce de vingt francs à la petite Anicette… — Julien aura l’air de l’avoir séduite pour votre compte. Cette pièce d’or signifie qu’elle peut suivre Julien, dit l’inconnu en se tournant vers Goulard. Anicette ne sera pas inutile au succès de notre candidat…

— Anicette ?…

— Voici, monsieur le sous-préfet, trente-deux ans que les femmes de chambre me servent… J’ai eu ma première aventure à treize ans, absolument comme le régent, le trisaïeul de notre roi… Connaissez-vous la fortune de cette demoiselle Beauvisage ?

— On ne peut pas la connaître, monsieur ; car hier, chez madame Marion, madame Séverine a dit que M. Grévin, le grand-père de Cécile, donnerait à sa petite-fille l’hôtel de Beauséant et deux cent mille francs en cadeau de noces…

Les yeux de l’inconnu n’exprimèrent aucune surprise ; il eut l’air de trouver cette fortune très-médiocre.

— Connaissez-vous bien Arcis ? demanda-t-il à Goulard.

— Je suis le sous-préfet et je suis né dans le pays.

— Eh bien ! comment peut-on y déjouer la curiosité ?

— Mais en y satisfaisant. Ainsi, monsieur le comte a son