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Page:Balzac-Le député d'Arcis-1859.djvu/119

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— Voici ma réponse, dit Rastignac. Il y a un combat, plus violent que le vulgaire ne le croit, entre une puissance au maillot et une puissance enfant. La puissance au maillot, c’est la Chambre des députés, qui, n’étant pas contenue par une chambre héréditaire…

— Ah ! ah ! dit Maxime, vous êtes pair de France.

— Ne le serais-je pas maintenant sous tous les régimes ?… dit le nouveau pair. Mais ne m’interrompez pas, il s’agit de vous dans tout ce gâchis. La Chambre des députés deviendra fatalement tout le gouvernement, comme nous le disait de Marsay, le seul homme par qui la France eût pu être sauvée, car les peuples ne meurent pas, ils sont esclaves ou libres, voilà tout. La puissance enfant est la royauté couronnée au mois d’août 1830. Le ministère actuel est vaincu, il a dissous la Chambre et veut faire les élections pour que le ministère qui viendra ne les fasse pas ; mais il ne croit pas à une victoire. S’il était victorieux dans les élections, la dynastie serait en danger ; tandis que, si le ministère est vaincu, le parti dynastique pourra lutter avec avantage, pendant longtemps. Les fautes de la Chambre profiteront à une volonté qui, malheureusement, est tout dans la politique. Quand on est tout, comme fut Napoléon, il vient un moment où il faut se faire suppléer, et comme on a écarté les gens supérieurs, le grand tout ne trouve pas de suppléant. Le suppléant, c’est ce qu’on nomme un cabinet, et il n’y a pas de cabinet en France, il n’y a qu’une volonté viagère. En France, il n’y a que les gouvernants qui fassent des fautes, l’opposition ne peut pas en faire, elle peut perdre autant de batailles qu’elle en livre, il lui suffit, comme les alliés en 1814, de vaincre une seule fois. Avec trois glorieuses journées, enfin, elle détruit tout. Aussi, est-ce se porter héritier du pouvoir que de ne pas gouverner et d’attendre. J’appartiens par mes opinions personnelles à l’aristocratie, et par mes opinions publiques à la royauté de Juillet. La maison d’Orléans m’a servi à relever la fortune de ma maison et je lui reste attaché à jamais.

— Le jamais de M. de Talleyrand, bien entendu ! dit Maxime.