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Page:Balzac-Le député d'Arcis-1859.djvu/211

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qui, dans la scène d’hier, ont joué un rôle si étrange ?

— Tout cela est encore une invention de Marianina ; et quoique dans la circonstance, les singulières ressources de son esprit aient été tournées à bien, c’est surtout par ce côté, si elle était restée dans le monde, que son avenir m’eût paru effrayant. Une fois convenu, avec madame de Lanty, que vous seriez donné pour le promeneur nocturne, il fallait entourer cet aveu des conditions les plus favorables pour en assurer le succès. Au lieu de le parler, cette terrible fille imagina de le mettre en action. Elle passa la nuit à écrire les lettres qui vous ont été montrées. Des papiers différents, l’écriture diversifiée avec soin, jusqu’à l’encre dont elle eut soin de modifier les teintes, rien ne fut oublié par elle. Ces lettres écrites, elles furent placées dans ce portefeuille que monsieur de Lanty ne lui connaissait pas ; puis, après avoir fait flairer le tout à un chien de chasse que sa rare intelligence a investi du privilège de paraître dans les appartements, elle alla jeter ce singulier dépôt dans un des massifs du parc, et revint d’elle-même s’offrir aux impatientes investigations de son père. Pendant qu’entre eux recommençait un vif débat, paraît le chien rapportant à sa jeune maîtresse le portefeuille ; en voyant un émoi admirablement bien joué, monsieur de Lanty s’empare de l’objet suspect, et tout alors lui paraît clair dans le sens de l’illusion qu’on a pris soin de lui ménager.

— Tous ces détails, demandai-je d’un air de très-médiocre crédulité, vous ont été contés par madame de Lanty ?

— Confiés, monsieur, et vous en avez vous-même hier éprouvé la vérité. Par votre résistance à en accepter la donnée, vous pouvez tout compromettre, et c’est pour cela que madame de Lanty est intervenue. Je suis chargé par elle de vous remercier de votre connivence, au moins passive, dans ce pieux mensonge ; elle n’a pas cru pouvoir mieux vous témoigner sa profonde gratitude qu’en vous en faisant connaître tout le secret et en le remettant à votre discrétion.

— Et mademoiselle Marianina ? demandai-je.

— Ainsi que vous l’a dit monsieur de Lanty, elle a été