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Page:Balzac-Le député d'Arcis-1859.djvu/251

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bien tard, un peu plus de lumière que celle qui m’a été mesurée…

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Voilà bien une autre histoire ! pendant que je t’écris, un bruit de chevaux se fait dans la rue. Devenu méfiant et prenant tout en griève sollicitude, j’ouvre ma fenêtre, et, à la clarté du jour naissant, je vois à la porte de l’hôtel une voiture de poste attelée, le postillon en selle, et Jacques Bricheteau parlant à une personne assise dans l’intérieur, mais dont je ne puis distinguer le visage ombragé par la visière d’une casquette de voyage. Prenant aussitôt mon parti, je descends rapidement : mais, avant que je sois au bas des degrés, j’entends le roulement sourd de la voiture et les claquements répétés du fouet agité dans l’air, espèce de chant du départ des postillons.

Au pied de l’escalier, je me trouve nez à nez avec Jacques Bricheteau. Sans paraître embarrassé, et de l’air le plus naturel :

— Comment ! me dit-il, mon cher élève déjà levé !

— Sans doute, c’était bien le moins que je fisse mes adieux à mon excellent père.

— Il ne l’a pas voulu, me répond le damné musicien avec un sérieux et un flegme à se faire battre, il aura craint l’émotion des adieux.

— Mais il est donc terriblement pressé, qu’il n’ait pu donner même une journée à sa paternité flambante neuve.

— Que voulez-vous ? c’est un original ; ce qu’il était venu faire, il l’a fait ; dès lors, pour lui, plus de raisons de rester.

— Ah ! je comprends, les hautes fonctions qu’il remplit dans cette cour du Nord !

Il n’y avait pas moyen de se méprendre à l’accent profondément ironique avec lequel cette dernière phrase avait été prononcée.

— Jusqu’ici, me dit Bricheteau, vous aviez montré plus de foi.

— Oui, mais j’avoue que cette foi commence à broncher