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Page:Balzac-Le député d'Arcis-1859.djvu/334

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C’est possible, finit-il par dire au chanteur, que Mozart soit un grand musicien ; mais vous, mon cher, vous pouvez vous flatter d’être furieusement enrhumé !

— Mon Dieu ! répondit Franchessini, il y a bien du vrai dans votre remarque ; mais l’homme que Maxime voudrait démasquer peut n’être qu’une honnête médiocrité, qui, sans être capable de se fendre avec toute la puissance que vous supposez, pourrait néanmoins vous tracasser beaucoup ; tous vos adversaires les plus dangereux ne sont pas des géants de parole.

— La vraie valeur de votre nouveau collègue, j’espère la savoir tout à l’heure, répondit Rastignac, dans un endroit où je crois pouvoir me promettre d’être mieux renseigné que du côté de monsieur de Trailles. Dans cette occasion, il s’est laissé jouer sous jambe et essaye de compenser par de la passion ce qui lui a manqué en habileté. Quant à votre cauchemar, que, dans tous les cas, je n’emploierais pas pour ce qu’a rêvé Maxime, comme il ne paraît pas inutile, au moins, au point de vue particulier de vos relations, de lui répondre quelque chose, je lui dirais :

— Voyons ! dit Franchessini annonçant un redoublement d’attention.

— Eh bien ! je lui dirais que, sans parler de son passé judiciaire, qui, aussitôt qu’il se mettrait sur la brèche politique, pourrait l’exposer à des avanies atroces, dont nous aurions inévitablement le contre-coup, il a, dans sa vie, de certains souvenirs déplorables…

— Des souvenirs seulement, répondit Franchessini ; vous sentez bien qu’en se présentant devant vous, il voulait venir, ayant fait peau neuve.

— Je sais tout, répliqua Rastignac ; vous imaginez bien qu’il n’est pas seul dans Paris à faire de la police. Je me suis informé, après sa visite, et j’ai su que, depuis 1830, époque où il a été placé à la tête de la police de sûreté, il a donné à sa vie une allure exactement bourgeoise, à laquelle je ne ferais même qu’un reproche, celui de le déguiser trop.

— Pourtant, reprit le colonel.