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Page:Balzac-Le député d'Arcis-1859.djvu/352

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— Ce qui vous est déjà arrivé une fois, chère amie, quand il vous suivait par les rues et que sa retraite, venant vous surprendre, vous fit l’effet d’un tambour qui, après vous avoir étourdie une heure durant, cesse tout à coup ses roulements.

— Là, il y avait une raison ; son absence dérangeait tout un plan.

— Écoutez-moi, ma chère belle, reprit avec une teinte de gravité madame Octave de Camps, j’ai lu et relu vos lettres ; vous étiez là, plus naturelle et moins ergoteuse, et, pour moi, une impression m’est restée : c’est que monsieur de Sallenauve avait au moins effleuré votre cœur, s’il n’y était entré.

À un geste de dénégation que fit madame de l’Estorade, la directrice reprit :

— Je sais que cette idée vous gendarme. Comment pourriez-vous m’avouer ce que vous vous êtes toujours soigneusement caché à vous-même ? mais ce qui est, est : on ne subit pas de la part d’un homme « une sorte de magnétisme (voir les Lettres édifiantes) ; on ne sent pas sur soi son regard même sans rencontrer ses yeux ; on ne s’écrie pas, n’est-il pas vrai, madame, que je suis invulnérable du côté de l’amour, » sans avoir déjà reçu quelque mauvais coup !

— Mais tant de choses se sont passées depuis que j’écrivais ces énormités !

— C’est vrai, ce n’était qu’un sculpteur, et, dans quelque temps, je ne dis pas comme monsieur de Rastignac, ce qui serait bien peu dire, mais comme Canalis, notre grand poète, peut-être il sera ministre !

— J’aime les sermons qui concluent, dit madame de l’Estorade avec une façon d’impatience.

— Vous me dites, répliqua madame de Camps, ce qu’au 31 mai, car dans les loisirs de nos bois, j’ai lu l’histoire de la Révolution française, Vergniaud criait à Robespierre, et moi, comme Robespierre, je vous réponds : Oui, je vais conclure : conclure contre votre amour-propre de femme qui,