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Page:Balzac-Le député d'Arcis-1859.djvu/46

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— Il suffit d’opposer un candidat du même genre à Simon Giguet, dit Olivier Vinet.

Le sous-préfet laissa percer sur sa figure un mouvement de satisfaction qui ne pouvait échapper à aucun de ses trois compagnons, avec lesquels il s’entendait d’ailleurs très-bien. Garçons tous les quatre, tous assez riches, ils avaient formé, sans aucune préméditation, une alliance pour échapper aux ennuis de la province. Les trois fonctionnaires avaient d’ailleurs remarqué déjà l’espèce de jalousie que Giguet inspirait à Goulard, et qu’une notice sur leurs antécédents fera comprendre.

Fils d’un ancien piqueur de la maison de Simeuse, enrichi par un achat de biens nationaux, Antonin Goulard était, comme Simon Giguet, un enfant d’Arcis. Le vieux Goulard son père quitta l’abbaye du Valpreux (corruption du Val-des-Preux), pour habiter Arcis après la mort de sa femme, et il envoya son fils Antonin au lycée impérial, où le colonel Giguet avait déjà mis son fils Simon. Les deux compatriotes, après s’être trouvés camarades de collége, firent à Paris leur droit ensemble, et leur amitié s’y continua dans les amusements de la jeunesse. Ils se promirent de s’aider les uns les autres à parvenir en se trouvant tous deux dans des carrières différentes. Mais le sort voulut qu’ils devinssent rivaux.

Malgré ses avantages assez positifs, malgré la croix de la Légion d’Honneur que le comte de Gondreville, à défaut d’avancement, avait fait obtenir à Goulard et qui fleurissait sa boutonnière, l’offre de son cœur et de sa position fut honnêtement rejetée, quand, six mois avant le jour où cette histoire commence, Antonin s’était présenté lui-même secrètement à madame Beauvisage.

Aucune démarche de ce genre n’est secrète en province. Le procureur du roi, Frédéric Marest, dont la fortune, la boutonnière, la position étaient égales à celles d’Antonin Goulard, avait essuyé, trois ans auparavant, un refus motivé sur la différence des âges.

Aussi le sous-préfet et le procureur du roi se renfermaient-ils dans les bornes d’une exacte politesse avec