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Page:Balzac-Le député d'Arcis-1859.djvu/59

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de Grévin et de sa fille, comme le prétendaient quelques gens, étonnés des refus essuyés par des gens aussi convenables que le sous-préfet et le procureur du roi.

La maison Beauvisage, une des plus belles d’Arcis, est située sur la place du Pont, dans l’alignement de la rue Vide-Bourse, à l’angle de la rue du Pont qui monte jusqu’à la place de l’Église. Quoique sans cour, ni jardin, comme beaucoup de maisons de province, elle y produit un certain effet, malgré des ornements de mauvais goût. La porte bâtarde, mais à deux ventaux, donne sur la place. Les croisées du rez-de-chaussée ont sur la rue la vue de l’auberge de la Poste, et sur la place celle du paysage assez pittoresque de l’Aube, dont la navigation commence en aval du pont.

Au-delà du pont, se trouve une autre petite place, sur laquelle demeure monsieur Grévin et où commence la route de Sézanne.

Sur la rue, comme sur la place, la maison Beauvisage, soigneusement peinte en blanc, a l’air d’avoir été bâtie en pierre. La hauteur des persiennes, les moulures extérieures des croisées, tout contribue à donner à cette habitation une certaine tournure, que rehausse l’aspect généralement misérable des maisons d’Arcis, construites presque toutes en bois, et couvertes d’un enduit à l’aide duquel on simule la solidité de la pierre.

Néanmoins, ces maisons ne manquent pas d’une certaine naïveté, par cela même que chaque architecte ou chaque bourgeois s’est ingénié pour résoudre le problème que présente ce mode de bâtisse. On voit, sur chacune des places qui se trouvent de l’un et de l’autre côté du pont, un modèle de ces édifices champenois.

Au milieu de la rangée de maisons, située sur la place, à gauche de la maison Beauvisage, on aperçoit, peinte en couleur lie-de-vin et les bois peints en vert, la frêle boutique de Jean Violette, petit-fils du fameux fermier de Grouage, un des témoins principaux dans l’affaire de l’enlèvement du sénateur, à qui, depuis 1830, Beauvisage avait cédé son fonds de commerce, ses relations, et à qui, dit-on, il prêtait des capitaux.