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Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 11.djvu/165

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avoué madré qu’à la contenance d’un ministre. Son œil miroité par l’usage des lunettes le rendait plus laid qu’il ne l’était réellement quand par malheur il les ôtait. Pour les juges habiles, pour les gens droits que le vrai seul met à l’aise, des Lupeaulx était insupportable : ses façons gracieuses frisaient le mensonge, ses protestations aimables, ses vieilles gentillesses toujours neuves pour les imbéciles, montraient trop la corde. Tout homme perspicace voyait en lui une planche pourrie sur laquelle il fallait bien se garder de poser le pied.

Dès que la belle madame Rabourdin daigna s’occuper de la fortune administrative de son mari, elle devina Clément des Lupeaulx et l’étudia pour savoir si dans cette volige il y avait encore quelques fibres ligneuses assez solides pour lestement passer dessus du Bureau à la Division, de huit mille à douze mille francs. La femme supérieure crut pouvoir jouer ce roué politique. Monsieur des Lupeaulx fut donc un peu cause des dépenses extraordinaires qui s’étaient faites et qui se continuaient dans le ménage de Rabourdin.

La rue Duphot, bâtie sous l’Empire, est remarquable par quelques maisons élégantes au dehors et dont les appartements ont été généralement bien entendus. Celui de madame Rabourdin avait d’excellentes dispositions, avantage qui entre pour beaucoup dans la noblesse de la vie intérieure. C’était une jolie antichambre assez vaste, éclairée sur la cour et menant à un grand salon dont les fenêtres avaient vue sur la rue. À droite de ce salon, se trouvaient le cabinet et la chambre de Rabourdin, en retour desquels était la salle à manger où l’on entrait par l’antichambre ; à gauche, la chambre à coucher de madame et son cabinet de toilette, en retour desquels était le petit appartement de sa fille. Aux jours de réception, la porte du cabinet de Rabourdin et celle de la chambre de madame restaient ouvertes. L’espace permettait de recevoir une assemblée choisie, sans se donner le ridicule qui pèse sur certaines soirées bourgeoises où le luxe s’improvise aux dépens des habitudes journalières et parait alors une exception. Le salon venait d’être retendu en soie jaune avec des agréments de couleur carmélite. La chambre de madame était vêtue en étoffe vraie perse et meublée dans le genre rococo. Le cabinet de Rabourdin hérita de la tenture de l’ancien salon nettoyée, et fut orné des beaux tableaux laissés par Leprince. La fille du commissaire-priseur utilisa dans sa salle à manger de ravissants tapis turcs, bonne occasion saisie par son