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Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 11.djvu/269

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propre éloge, absolument comme eussent fait Nathan ou Canalis en rendant compte d’un de leurs livres.

Madame la comtesse… Vois-tu, ma mère, dit Saillard à sa femme, je suppose que tu es la femme du ministre.

— Me prends-tu pour une bête ? je le devine bien, répondit-elle.

La place de feu le digne monsieur de La Billardière est vacante ; mon gendre, monsieur Baudoyer, homme d’un talent consommé et de haute piété… Après avoir regardé monsieur Gaudron qui réfléchissait, il ajouta : serait bien heureux s’il l’avait. Ha ! ce n’est pas mal, c’est bref et ça dit tout.

— Mais attends donc, Saillard, tu vois bien que monsieur l’abbé rumine, lui dit sa femme, ne le trouble donc pas.

Serait bien heureux si vous daigniez vous intéresser à lui, reprit Gaudron, et en disant quelques mots à Son Excellence, vous seriez particulièrement agréable à madame la Dauphine, par laquelle il a le bonheur d’être protégé.

— Ah, monsieur Gaudron, cette phrase vaut l’ostensoir, je regrette moins les quatre mille huit cents… D’ailleurs, dis donc, Baudoyer, tu les paieras, mon garçon ! As-tu écrit ?

— Je te ferai répéter cela, ma mère, dit madame Saillard, et tu me la réciteras matin et soir. Oui, elle est bien troussée, cette phrase-là ! Êtes-vous heureux d’être si savant, monsieur Gaudron ! Voilà ce que c’est que d’étudier dans les séminaires, on apprend à parler à Dieu et à ses saints.

— Il est aussi bon que savant, dit Baudoyer en serrant les mains au prêtre. Est-ce vous qui avez rédigé l’article ? demanda-t-il en montrant le journal.

— Non, répondit Gaudron. Cette rédaction est du secrétaire de Son Éminence, un jeune abbé qui m’a de grandes obligations et qui s’intéresse à monsieur Colleville ; autrefois, j’ai payé sa pension au séminaire.

— Un bienfait a toujours sa récompense, dit Baudoyer.

Pendant que ces quatre personnes s’attablaient pour faire leur boston, Élisabeth et son oncle Mitral atteignaient le café Thémis, après s’être entretenus en chemin de l’affaire que le tact d’Élisabeth lui avait indiquée comme le plus puissant levier pour forcer la main au ministre. L’oncle Mitral, l’ancien huissier fort en chicane, en ex-