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Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 11.djvu/347

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— Je le croyais tombé trop bas pour jamais pouvoir se remonter, et je ne comprends pas comment il peut reparaître dans le monde de Paris, dit le comte Sixte du Châtelet.

— Il a un air de prince, dit le masque, et ce n’est pas cette actrice avec laquelle il vivait qui le lui aura donné ; ma cousine, qui l’avait deviné, n’a pas su le débarbouiller ; je voudrais bien connaître la maîtresse de ce Sargine, dites-moi quelque chose de sa vie qui puisse me permettre de l’intriguer.

Ce couple qui suivait ce jeune homme en chuchotant fut alors particulièrement observé par le masque aux épaules carrées.

— Cher monsieur Chardon, dit le préfet de la Charente en prenant le dandy par le bras, je vous présente une personne qui veut renouer connaissance avec vous…

— Cher comte Châtelet, répondit le jeune homme, cette personne m’a appris combien était ridicule le nom que vous me donnez. Une Ordonnance du Roi m’a rendu celui de mes ancêtres maternels, les Rubempré. Quoique les journaux aient annoncé ce fait, il concerne un si pauvre personnage que je ne rougis point de le rappeler à mes amis, à mes ennemis et aux indifférents : vous vous classerez où vous voudrez, mais je suis certain que vous ne désapprouverez point une mesure qui me fut conseillée par votre femme quand elle n’était encore que madame de Bargeton. (Cette jolie épigramme, qui fit sourire la marquise, fit éprouver un tressaillement nerveux au préfet de la Charente.) — Vous lui direz, ajouta Lucien, que maintenant je porte de gueules, au taureau furieux d’argent, dans le pré de sinople.

— Furieux d’argent, répéta Châtelet.

— Madame la marquise vous expliquera, si vous ne le savez pas, pourquoi ce vieil écusson est quelque chose de mieux que la clef de chambellan et les abeilles d’or de l’Empire qui se trouvent dans le vôtre, au grand désespoir de madame Châtelet, née Nègrepelisse d’Espard… dit vivement Lucien.

— Puisque vous m’avez reconnue, je ne puis plus vous intriguer, et ne saurais vous exprimer à quel point vous m’intriguez, lui dit à voix basse la marquise d’Espard tout étonnée de l’impertinence et de l’aplomb acquis par l’homme qu’elle avait jadis méprisé.

— Permettez-moi donc, madame, de conserver la seule chance que j’aie d’occuper votre pensée en restant dans cette pénombre