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Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 11.djvu/555

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source impure, et qu’il nous ment en nous disant que sa sœur lui donne les fonds nécessaires à ses acquisitions. On me somme, au nom du bonheur de ma fille et de la considération de notre famille, de prendre des renseignements, en m’indiquant les moyens de m’éclairer. Tiens, lis, d’abord.

— Je partage ton opinion sur les lettres anonymes, mon cher Ferdinand, dit le duc de Chaulieu après avoir lu la lettre ; mais, tout en les méprisant, on doit s’en servir. Il en est de ces lettres, absolument comme des espions. Ferme ta porte à ce garçon, et voyons à prendre des renseignements… Eh ! bien, j’ai ton affaire. Tu as pour avoué Derville, un homme en qui nous avons toute confiance ; il a les secrets de bien des familles, il peut bien porter celui-là. C’est un homme probe, un homme de poids, un homme d’honneur ; il est fin, rusé ; mais il n’a que la finesse des affaires, tu ne dois l’employer que pour obtenir un témoignage auquel tu puisses avoir égard. Nous avons au Ministère des Affaires Étrangères, par la Police du Royaume, un homme unique pour découvrir les secrets d’État, nous l’envoyons souvent en mission. Préviens Derville qu’il aura, pour cette affaire, un lieutenant. Notre espion est un monsieur qui se présentera décoré de la croix de la Légion-d’Honneur, il aura l’air d’un diplomate. Ce drôle sera le chasseur, et Derville assistera tout simplement à la chasse. Ton avoué te dira si la montagne accouche d’une souris, ou si tu dois rompre avec ce petit Rubempré. En huit jours, tu sauras à quoi t’en tenir.

— Le jeune homme n’est pas encore assez marquis pour se formaliser de ne pas me trouver chez moi pendant huit jours, dit le duc de Grandlieu.

— Surtout si tu lui donnes ta fille, dit l’ancien ministre. Si la lettre anonyme a raison, qué que ça te fait ! Tu feras voyager Clotilde avec ma belle-fille Madeleine, qui veut aller en Italie…

— Tu me tires de peine ! dit le duc de Grandlieu, je ne sais encore si je dois te remercier…

— Attendons l’événement.

— Ah ! fit le duc de Grandlieu, quel est le nom de ce monsieur ? il faut l’annoncer à Derville… Envoie-le-moi demain, sur les quatre heures, j’aurai Derville, je les mettrai tous deux en rapport.

— Le nom vrai, dit l’ancien ministre, est, je crois, Corentin… (un nom que tu ne dois pas avoir entendu), mais ce monsieur viendra chez toi bardé de son nom ministériel. Il se fait appeler