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Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 11.djvu/567

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res. Le duc prit à part Corentin pour lui expliquer tout ce que savait Corentin. Monsieur de Saint-Denis écouta froidement, respectueusement, en s’amusant à étudier ce grand seigneur, à pénétrer jusqu’au tuf vêtu de velours, à mettre à jour cette vie, alors et pour toujours, occupée de wisk et de la considération de la maison de Grandlieu. Les grands seigneurs sont si naïfs avec leurs inférieurs, que Corentin n’eut pas beaucoup de questions à soumettre humblement à monsieur de Grandlieu pour en faire jaillir des impertinences.

— Si vous m’en croyez, monsieur, dit Corentin à Derville après avoir été présenté convenablement à l’avoué, nous partirons ce soir même pour Angoulême par la diligence de Bordeaux, qui va tout aussi vite que la malle, nous n’aurons pas à séjourner plus de six heures pour y obtenir les renseignements que veut monsieur le duc. Ne suffit-il pas, si j’ai bien compris Votre Seigneurie, de savoir si la sœur et le beau-frère de monsieur de Rubempré ont pu lui donner douze cent mille francs ?… dit-il en regardant le duc.

— Parfaitement compris, répondit le pair de France.

— Nous pourrons être ici dans quatre jours, reprit Corentin en regardant Derville, et nous n’aurons, ni l’un ni l’autre, laissé nos affaires pour un laps de temps pendant lequel elles pourraient souffrir.

— C’était la seule objection que j’avais à faire à Sa Seigneurie, dit Derville. Il est quatre heures, je rentre dire un mot à mon premier clerc, faire mon paquet de voyage ; et après avoir dîné, je serai à huit heures… Mais aurons-nous des places ? dit-il à monsieur de Saint-Denis en s’interrompant.

— J’en réponds, dit Corentin, soyez à huit heures dans la cour des Messageries du Grand-Bureau. S’il n’y a pas de places, j’en aurai fait faire, car voilà comme il faut servir monseigneur le duc de Grandlieu…

— Messieurs, dit le duc avec une grâce infinie, je ne vous remercie pas encore…

Corentin et l’avoué, qui prirent ce mot pour une phrase de congé, saluèrent et sortirent. Au moment où Peyrade interrogeait le domestique de Corentin, monsieur de Saint-Denis et Derville, placés dans le coupé de la diligence de Bordeaux, s’observaient en silence à la sortie de Paris. Le lendemain matin, d’Orléans à Tours, Derville, ennuyé, devint causeur, et Corentin daigna l’amuser, mais