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Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 11.djvu/69

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maison de campagne à Ville-d’Avray, et dix ou douze mille livres de rente.

— Quel commerce ont-ils fait ?

— Les bouteilles.

— Ne dites pas ce mot, il me semble entendre couper des bouchons, et mes dents s’agacent…

— Faut-il les amener ?

— Trois portraits, je les mettrai au Salon, je pourrai me lancer dans le portrait, eh ! bien, oui…

Le vieil Élias descendit pour aller chercher la famille Vervelle. Pour savoir à quel point la proposition allait agir sur le peintre, et quel effet devaient produire sur lui les sieur et dame Vervelle ornés de leur fille unique, il est nécessaire de jeter un coup d’œil sur la vie antérieure de Pierre Grassou de Fougères.

Élève, Fougères avait étudié le dessin chez Servin, qui passait dans le monde académique pour un grand dessinateur. Après, il était allé chez Schinner y surprendre les secrets de cette puissante et magnifique couleur qui distingue ce maître ; mais le maître, les élèves, tout y avait été discret, et Pierre n’y avait rien surpris. De là, Fougères avait passé dans l’atelier de Gros pour se familiariser avec cette partie de l’art nommée la Composition, mais la Composition fut sauvage et farouche pour lui. Puis il avait essayé d’arracher à Sommervieux, à Drolling père le mystère de leurs effets d’Intérieurs. Ces deux maîtres ne s’étaient rien laissé dérober. Enfin, Fougères avait terminé son éducation chez Duval-Lecamus. Durant ces études et ces différentes transformations, Fougères eut des mœurs tranquilles et rangées qui fournissaient matière aux railleries des différents ateliers où il séjournait, mais partout il désarma ses camarades par sa modestie, par une patience et une douceur d’agneau. Les Maîtres n’avaient aucune sympathie pour ce brave garçon, les Maîtres aiment les sujets brillants, les esprits excentriques, drolatiques, fougueux, ou sombres et profondément réfléchis qui dénotent un talent futur. Tout en Fougères annonçait la médiocrité. Son surnom de Fougères, celui du peintre dans la pièce de l’Églantine, fut la source de mille avanies ; mais, par la force des choses, il accepta le nom de la Ville où il était né.

Grassou de Fougères ressemblait à son nom. Grassouillet et d’une taille médiocre, il avait le teint fade, les yeux bruns, les cheveux noirs, le nez en trompette, une bouche assez large et les oreilles lon-